Un peu de tout mais bien ordonné

Esther Ferrer

Un peu de tout mais bien ordonné

VERNISSAGE JEUDI 23 SEPTEMBRE DE 18H À 21H

22/09/2021 - 07/11/2021

 

Un peu de tout mais bien ordonné  est la quatrième exposition personnelle de Esther Ferrer à la galerie Lara Vincy depuis 2002.

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« Nos poches, nos tables, nos maisons sont envahies d’objets
déposés par les grandes marées terriennes »
Roland Topor
préface à Topographie anecdotée du hasard.

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On a coutume, lorsqu’on évoque le nom d’Esther Ferrer, de louer avant toute chose ses talents de performeuse. Bien qu’en partie fondé, ceci ne doit pas éclipser ce qui préside à sa pensée. Car qu’il s’agisse d’actions, d’objets, de dessins, de nombres premiers, ou de langage mis à l’épreuve du performatif, il s’agit toujours de la même réceptivité au monde dont elle fait preuve au quotidien. Le terme d’ « Objets contextualisés ou dé-contextualisés » (titre jadis donné à une exposition à la galerie J & J Donguy) convient bien à cette façon d’appréhender la vie ; la vie sous toutes ses facettes. Un des exemples les plus éloquents nous en a été fourni, encore tout récemment, avec cette photo circonstanciée où l’artiste apparaît se mettant en scène, bardée du masque chirurgical de rigueur, une règle d’une longueur d’un mètre ajustée à bout de bras à hauteur de visage, façon fusil pointé, donnant ainsi forme aux préconisations des gestes barrière… armée jusqu’aux dents !
Les situations, les réflexions qui nous traversent, les objets qui peuplent notre univers s’avèrent autant de catalyseurs à la création. Un verre cassé devient symbole de L’imagination au pouvoir ; une chandelle ployant sous l’effet de la cire ramollie par la chaleur solaire rend hommage à Le soleil l’a fait (allusion narquoise à une débâcle phallique ?) ; un pavé ramassé un jour de manifestation en 1968 se fait l’écho d’utopies lointaines et révolues (Sous le pavé la plage, sur les pavés l’argent). Bien souvent, les choses s’offrent d’elles-mêmes, promues à un second destin. Ce n’est qu’une question de regard et de disposition d’esprit aiguisée, comme cet Objet bizarre imaginé à partir de lunettes à double foyer (ayant appartenues à son compagnon de vie, le musicien Tom Johnson, toutefois non portées pour cause d’inadaptabilité), ici redoublées par une seconde paire de lunettes. Plus qu’une question d’optique portée sur le monde, il s’agit simplement de se saisir des choses dans leur topographie hasardeuse (pour faire écho à une expression chère à Daniel Spoerri). « Laisser arriver les choses, plutôt que de faire en sorte qu’elles arrivent », selon la formule de John Cage, l’un des maîtres d’Esther Ferrer, évoquant « une notion orientale ».

Si notre artiste a bien cette capacité de regard, les objets savent également en retour lui faire signe. Ainsi cette pelle dressée dans son bac de terre (Elle était là) porteuse de tout un récit propre, où se rejoignent petite et grande Histoire. Invitée en 1993 au Festival International de Performance à l’Institut Hellerau à Dresde, elle y découvre à sa grande surprise un lieu délabré (après avoir été le cadre mythique d’un des berceaux de la danse contemporaine, où officiait Émile Jaques-Dalcroze, inventeur d’une méthode de gymnastique rythmique – avec une attention portée à l’improvisation – où viendront s’initier les plus grands créateurs : danseur.seus.es, musicien.ne.s, écrivains, gens de théâtre). C’est cet institut, ayant perdu tout lustre pendant la guerre, déserté par les Allemands puis occupé par l’Armée rouge, que découvrira l’artiste, avec pour seul vestige décidé à résister une pelle dressée dans un des jardins laissés à l’abandon. Jetant son dévolu sur cet objet plein de charge et d’aplomb, elle l’emportera afin de prolonger son histoire… ignorant sans doute par ailleurs qu’il constitue ce qui subsiste de la première cité-jardins créée en Europe. Hommage donc à ces objets quasi archéologiques, immuables outils à exhumer aussi bien souvenirs personnels que l’histoire des peuples.

« Un peu de tout, mais bien ordonné » est une expression proverbiale populaire en Espagne (« De todo y por su orden »), qui renvoie à la présence de bazar, mais en vertu d’un certain ordre de façon ironique. Selon ce principe, on note que l’éclectisme qui sied si bien à Esther Ferrer sait aussi s’accommoder de la plus grande rigueur. En témoigne sa recherche vertigineuse sur les nombres premiers (travail amorcé dès 1970), au point de l’accaparer pendant des mois à en dresser la liste, puis de les consigner en une suite d’énumérations sur des grandes planches de façon savamment ordonnée, avant de les transposer à l’échelle de peintures. Cette fascination dépasse la simple approche d’ordre mathématique et confine chez elle à une sorte de quête d’absolu, voyant dans le monde des nombres premiers un parallèle avec la structure de l’univers et l’ordre cosmique.
Ordre et désordre, tumulte et réagencement sont bien les deux faces d’une même chose. C’est à cette logique, métaphorique de la création artistique affranchie de tout dogmatisme, qu’entend nous introduire Esther Ferrer.

Patricia Brignone


« Un peu de tout mais bien ordonné » est la quatrième exposition personnelle de Esther Ferrer à la galerie Lara Vincy depuis 2002.